Certains le savaient déjà pour avoir suivi à distance le palpitant final autour de la Guadeloupe, d’autres l’ont appris à la vacation, tous ont tenu à saluer lundi l’immense exploit réalisé par Francis Joyon, vainqueur pour la première fois de la Route du Rhum-Destination Guadeloupe à sa septième tentative. « Pour l'histoire c'est génial ! », s’est exclamé Vincent Riou, qui lutte pour le podium en IMOCA sur PRB, tandis que Halvard Mabire, reparti dimanche de Bénodet en Class40, faisait également appel à l’histoire pour saluer la performance du skipper d’Idec Sport : « On était sur la même Route du Rhum en 1990, tous les deux avec des catamarans un peu improbables, lui a pu continuer en multicoque, c’est très bien qu’il n’ait jamais pu s’arrêter parce que ce sont des bateaux formidables. C’est une super victoire qui consacre des années et des années en multicoque, je trouve ça génial ». Et le Normand qui, à quelques mois près, a le même âge que Francis Joyon (il fêtera ses 62 ans dimanche prochain) d’ajouter : « La leçon de sa victoire, c’est qu’il ne faut jamais arrêter ! ».
Beaucoup ont d’ailleurs tenu à saluer l’exploit sportif d’un marin parvenu, la soixantaine passée, à dompter un trimaran de plus de 30 mètres pendant 7 jours 14 heures et des poussières : « Je sais ce que c'est que de mener un trimaran, mais un bateau de 30 mètres comme le fait Francis, respect ! Je suis admiratif de son engagement », a commenté Pierre Antoine, 56 ans, actuel leader de la flotte des Multi Rhum sur Olmix, tandis que Kito de Pavant, 57 ans, quatrième en Class40 sur Made in Midi, a également apprécié : « C’est incroyable ce qu’il arrive à faire à plus de 60 ans, ces bateaux demandent beaucoup de dépense d’énergie. Ça me fait plaisir que ce ne soient pas toujours les petits jeunes qui gagnent, c’est bien qu’il y ait de la place pour les grandes figures comme Francis. C’est quelqu’un de très inspirant, un mec incroyable qui s’est fait à la force du poignet, il a vécu des galères, il a une hargne et une soif de repousser les limites vraiment impressionnantes, un grand bonhomme de la voile ! »
Sur le même registre de l’âge et de l’expérience, Loïck Peyron, qui avait 55 ans il y a quatre ans lorsqu’il s’était imposé sur le même bateau, a tenu à féliciter le vainqueur : « Bravo Francis, tu confirmes, non seulement que les vieux pots font les bonnes soupes mais qu’un « vieux » chef en a toujours sous la toque ». Inspiré, le skipper du Multi Rhum Happy a poursuivi dans son élan culinaire : « Toi qui donnes parfois l’impression de ne pas aimer la compétition, tu serais même du genre à rendre tes étoiles pour ne pas subir la pression et continuer de concocter cette cuisine discrète, sans artifice mais terriblement efficace. Évidemment, ce genre de plat a parfois un goût amer pour ceux qui n’ont pas ton palais. Chacun sait que tu n’as nul besoin des honneurs, et pour ne pas en faire trop, je suis presque certain que tu vas vite trouver le moyen de fuir les obligations terriennes en prétextant l’urgence de ramener ton navire par la mer et profiter encore de ton royaume ».
Beaucoup ont aussi souligné la ténacité d’un marin qui, à un moment où il accusait quelques 150 milles de retard sur François Gabart, n’a jamais cessé d’appuyé sur la pédale d’accélérateur, pour finalement faire la différence lors du tour de la Guadeloupe : « Qui aurait imaginé cette victoire avec tous ces nouveaux bateaux volants beaucoup plus rapides ? Francis n'a rien lâché, c’est vraiment un surhomme ! », s’est exclamé Emmanuel Le Roch (Class 40 Edenred), voisin de ponton du « Roc de Locmariaquer » à La Trinité-sur-Mer. « J’ai suivi le match, c’est complètement barge, hyper cruel pour François, mais Francis a maintenu la pression et il a dû vraiment très bien naviguer », observe de son côté Armel Tripon, actuel leader en Multi50 sur Réauté Chocolat, tandis que Yann Eliès (IMOCA Ucar-St Michel) en appelle à l’édition précédente : « Francis m’avait fait la même chose il y a quatre ans. Il m’avait doublé sur le tour de l’île. Il doit avoir une bonne étoile, un feeling particulier avec la Guadeloupe. Je suis heureux pour lui, c’est vraiment un incroyable dénouement pour un incroyable marin. »
Du haut de ses 25 ans, Alan Roura ne cache pas non plus son admiration : « C’est fantastique la bagarre qu’il a menée jusqu’au bout. Je ne connais pas vraiment Francis, mais c‘est un personnage qui me fait rêver ». « Je vous l'avais dit, ce Joyon est un bonhomme ! Je n'enlève rien au talent et à la jeunesse de François, mais il mérite un livre, son style rappelle que le sport est une aventure avant de devenir une industrie », ajoute Sidney Gavignet, en tête des Rhum Mono sur Café Joyeux. Enfin, tous ont tenu à associer dans leurs éloges François Gabart, rappelant que pour faire un beau vainqueur, il faut un beau deuxième. « Un grand bravo à François et Francis, ça devait être magnifique, je rêve de faire une arrivée comme ça », conclut Arthur Le Vaillant, 5e de la flotte des Class40 sur Leyton.
Axel Capron, avec Pierre-Marie Bourguinat et Denis Van den Brink