Le nord-est attendu est bien arrivé. Par voie de conséquence, les Minis ont retrouvé des vitesses plus conformes à leur potentiel et filent bon train vers le sud. Si la majorité de la flotte a choisi de passer entre le DST du cap Finisterre et la côte, quelques concurrents ont choisi de faire le tour de la paroisse et gagner dans l’ouest… un investissement pour l’avenir ?

En course au large, il faut parfois savoir perdre pour gagner. C’est visiblement cet adage qu’ont décidé de mettre en pratique les quelques coureurs qui ont fait le choix de contourner le DST du cap Finisterre par l’ouest. Andrea Fornaro (Sideral) et sans doute Nolwen Cazé (Fée Rêvée) devraient plonger dans les profondeurs du classement à mesure qu’ils s’éloignent de la route directe. Mais ce faisant, ils s’assurent la quasi-certitude de bénéficier de vents forts au portant pendant deux jours.

Le flux de nord-est qui règne actuellement sur la flotte est alimenté par une petite dépression relative située dans le sud-est de Porto. Le vent tournant dans le sens inverse des aiguilles d’une montre autour du centre dépressionnaire, les solitaires vont trouver ce régime tant qu’ils resteront dans le nord-ouest de la dépression. Mais celle-ci est prévue de se déplacer progressivement vers le large. Au fur et à mesure de sa progression les bateaux les plus à l’est devraient donc voir logiquement les vents tourner progressivement au sud-est, voire plein sud. En gagnant dans l’ouest on retarde l’échéance. Mais le détour consenti par Andrea et d’autres sera-t-il compensé par le gain de vitesse, d’autant qu’il y a fort à parier que l’essentiel de la flotte qui a choisi de passer à l’intérieur du DST va chercher à gagner dans l’ouest dès l’obstacle franchi.

Retour aux affaires courantes

Le retour du vent a permis de remettre quelques pendules à l’heure. En prototype, Ian Lipinski (Griffon.fr) continue de creuser le trou, condamnant ses poursuivants à se battre pour les places d’honneur. Certains ont profité de ces conditions plus musclées pour se refaire une santé tel Simon Koster (Eight Cube Sersa) qui a littéralement transpercé le peloton pour revenir aux avant-postes. En série, Rémi Aubrun (Alternative Sailing – Constructions du Belon) enfonce le clou. Yannick Le Clech (Dragobert) et Erwan Le Draoulec (Emile Henry) sont maintenant relégués à près de cinq milles. Quelques cadors profitent de ces conditions pour corriger un départ en demi-teintes tel Tanguy Bouroullec (CERFRANCE – Kerhis) ou bien encore l’Irlandais Thomas Dolan (Offshoresailing.fr) qui est remonté du dernier rang à la 14e place.

Petites misères et grands bonheurs

Le retour du vent de nord-est a balayé les derniers nuages sur la flotte et c’est maintenant sous un grand ciel bleu que les Minis déboulent le long des côtes de Galice, avec en arrière-plan les monts de Galice plantés de forêts d’eucalyptus. Des couleurs irlandaises sur fond de ciel bleu, la chaleur qui revient progressivement, il n’en faut pas beaucoup plus pour le bonheur de solitaires ravis d’échapper aux conditions humides des deux premiers jours. La seule difficulté est de choisir la toile du temps : grand-voile arisée le plus souvent, les plus audacieux sont encore sous spi, quand d’autres ont préféré le code 5 autrement plus maniable, la voile idéale quand on veut naviguer sous pilote, en profiter pour dormir ou se restaurer véritablement. Mais par 20-25 nœuds de vent, la moindre erreur se paie cash. Outre les deux démâtages, plusieurs concurrents ont avoué quelques bobos : Antoine Cornic (Destination Île de Ré) a levé le pied après un vrac sous spi. Victime de soucis de pilote, il a préféré rentrer la bulle dans son sac, le temps d’une sieste réparatrice. Andrea Pendibene (Pegaso Marine Militare) a quant à lui cassé sa drisse de tête de mât, mais a déjà trouvé une solution alternative. Cédric Faron (Marine Nationale) a perdu un de ses panneaux solaires et doit veiller à ne pas gaspiller son énergie. Naviguer près des côtes comporte aussi sa part de risque. Germain Kerlévéo (Astrolabe Expéditions- Ideesgestion.com) s’est pris la quille dans un casier mal balisé. Il lui a fallu batailler un long moment et faire une marche arrière pour s’en débarrasser.

Les gens heureux n’ont pas d’histoire

Sur 81 candidats à l’aventure, ces petits incidents ne sont que l’écume de toutes les émotions, les plaisirs que l’on a d’être en mer, enfin seul face à soi-même. Et puis, cette étape est une entrée en matière idéale avant la grande traversée. Ce que ne nous racontent pas les coureurs, ce sont les conversations VHF de bateau à bateau, où l’on s’encourage, on se chambre parfois, on papote de menues choses comme le contenu du repas de midi, ou la chaleur que l’on s’est fait dans une manœuvre. Ils ne sont pas forcément à la lutte pour la tête de classe, mais ils sont tout aussi indispensables à l’écriture de l’histoire de la Mini-Transat La Boulangère. C’est pourquoi tous veulent vivre cette aventure jusqu’au bout. Frédéric Guérin (les-amis.fun) ou bien encore Julien Mizrachi (UNAPEI) malgré leur démâtage ont encore le droit de rêver. Arrivés à La Corogne, ils auront, selon le règlement, 72 heures pour réparer et reprendre la mer. Il ne serait guère étonnant que la communauté informelle des anciens Ministes ait trouvé quelques dignes représentants pour leur donner un coup de main salutaire. Ce sera alors une autre course qui commencera, mais tout aussi digne d’estime.